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Chapitre 4
FictionsLes violons d'hivernanashi-san"Les violons d'hiver" par nanashi-san
Les $$$ marquent le changement d'époque
Recru de fatigue, je m'allonge après avoir fini le chocolat que tu m'as préparé. Tu emportes les tasses pour les mettre dans le lavabo puis récupères ta sacoche de partitions avant de revenir au chaud sous la couette.
Je m'endors doucement en détaillant le froncement de tes sourcils, le pli un peu boudeur de tes lèvres, tes doigts fins qui battent une mesure connue de toi seul alors que tu bloques sur une série de notes et les longs cils clairs qui bordent ton regard concentré.
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Le vacarme du camion poubelles dans la rue me réveille en sursaut.
Tu n'as pas bougé, toujours en train de composer malgré tes yeux bouffis de fatigue. Un froissement de drap attire ton attention et tu me salues avec un sourire doux et fatigué.
_ Bien dormi ?
_ Un peu froid. » Me plains-je pensant au manque de ton corps contre moi avant de souligner que, toi, tu n'as pas fermé l'oeil de la nuit.
Tu me désignes le paquet de feuilles près de toi du bout de ton crayon.
_ J'étais inspiré.
Je tends une main : « Je peux ? »
_ Non !
Bon, tant pis.
Je me lève et vais faire une rapide toilette de chat, rougissant à l'idée que tu puisses me voir nu. Je jette un œil dans le miroir : tu es resté concentré sur ta copie.
Etrangement je suis autant soulagé que déçu de cette constatation. D'un autre côté, il n'y a pas de raison valable pour qu'un garçon normal veuille en mater un autre, n'est-ce pas ?
Ah ben merde ! Maintenant, j'ai envie de pleurer ; comme si j'avais pas assez donné depuis deux jours.
Décidément, face à toi, je suis incapable de réagir normalement. C'est assez effrayant en y pensant...
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Comme ma gorge ne semble pas vouloir se débloquer malgré les exercices de respiration auxquels je m'astreins depuis quelques minutes, je me propose pour aller chercher le petit-déjeuner. Il n'est que 7h30, je n'ai pas assez dormi mais il faut que je sorte.
Tu m'indiques une boulangerie pas loi et je dévale des escaliers que je ne vois déjà plus. Je n'arrive même plus à savoir si je suis toujours triste de partir dans moins de huit heures ou pressé d'y être pour ne plus avoir à supporter le yo-yo de mon humeur quand je suis près de toi ;
Je m'assieds sur les marches d'une porte cochère pour me calmer un peu avant d'entrer dans la boulangerie. Ça n'empêche pas la serveuse de me regarder bizarrement alors que je lui commande deux croissants, un pain au chocolat et une baguette.
Ça m'énerve d'un coup : oui j'ai pleuré, encore, et alors ?!
Foutez-moi la paix...
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En rentrant, je te trouve torse nu devant le lavabo à finir de te raser. Je m'efforce de ne pas te regarder en posant mes achats sur la simili-table ; la sensation de ta peau sous mes mains reste un peu trop présente à mon esprit.
Pour m'occuper, je commence à ranger ma valise. Je me demande comment papa va réagir en apprenant que ma mère m'a abandonné la veille de Noël pour passer les fêtes avec son amant. Pas que j'ai très envie de lui dire mais je ne sais pas bien mentir.
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Au fil de la conversation, j'en apprends un peu plus sur ta situation actuelle.
Après t'avoir embauché, avec un salaire décent pour changer, Roger t'a présenté à un ami qui t'a généreusement rétribué pour inculquer le solfège à son capricieux de fils. Ta patience a payé, le gamin a fini par devenir plutôt doué et concerné par la musique. L'homme a parlé de ce petit miracle à son entourage.
Ainsi, de bouche à oreille, tu as développé une clientèle à la fois fidèle, aisée et généreuse. Puis l'un d'eux t'as a proposé de remplacer le groupe prévu pour animer le mariage de sa fille avec Justine et Adrien. Le succès a été au rendez-vous et l'idée a fait boule de neige.
Maintenant tu enseignes en semaine et le samedi, le soir tu travailles à la crêperie, excepté les jours de 'représentation'. Tu travailles au moins autant qu'avant mais tu gagnes bien mieux ta vie.
Pour sûr ! Ce n'est pas il y a six ans que tu aurais pu t'offrir le beau pull en cachemire que tu portes.
_ J'imagine que tu ne vis plus dans l'espèce de taudis sous les toits que j'ai connu.
Ton petit sourire mystérieux m'intrigue.
_ Plus ou moins...
Ma curiosité tout à fait éveillée, je t'interroge mais tu ne cesses de me répondre que « je verrai ». Boudeur, je te tourne le dos et m'engage dans une discussion très animée, et totalement décousue, avec Liliane.
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Je te suis le long des rues obscures qui mènent chez toi et je repense à la soirée que je viens de vivre : chaleureuse, conviviale, à l'image de cette adorable crêperie.
Mais j'ai surtout ressenti très fort l'immense décalage entre la famille soudée que vous formez tous et 'la pièce qui s'est rapportée toute seule' que je suis.
Pas que vous m'ayez mis à l'écart ; bien au contraire ! Vous aviez même l'air content de me voir.
C'est juste typiquement le genre de situation où, pour tenter de mettre à l'aise ''le revenant du fond des âges' on ne cesse de le prendre à parti et vouloir de toute force qu'il soit de toutes les conversations. On lui ressort aussi toutes les petites anecdotes familiales qu'il a manquées, pour lui faire rattraper le temps perdu peut-être. Malheureusement ça ne réussit la plupart du temps qu'à souligner l'absence de celui-ci durant tous ces petits moments qui tissent de vrais lien entre les gens.
Vous avez commencé votre vie sans moi, l'avez construite avant et après moi.
Comme dit la chanson « je n'ai été qu'un météore ».
Je n'aurais pas du revenir.
_ Pleure pas Théo...
Je relève la tête et te lance un regard furieux : je ne pleure pas !
Même si je ne suis pas loin d'en avoir envie. Ça faisait longtemps tiens...
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Je me demande ce à quoi je m'attendais à revenir là, parmi vous. Je me rends compte maintenant que j'ai changé en six ans, toi aussi et jamais les choses ne seront comme avant.
_ Théo ? Tu es fatigué, Tu veux que je prenne ta valise ? On n'est plus très loin, ça va aller.
Pardon ? Ah, oui, j'ai arrêté de marcher on dirait. Pourquoi continuer de toutes façons ?
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Je regarde autour de moi en suivant le roulement chaotique de ma valise ; tu n'as pas changé de quartier on dirait.
_ Tu sais Théo, je suis vraiment heureux de te revoir. J'ai souvent pensé à toi...
Comme tu continues de marcher devant moi en parlant, ta voix me parvient étouffée et je n'arrive pas à déterminer ton intonation exacte. Je ne peux voir non plus ton expression.
Par contre, je sens très bien mon cœur qui s'emballe à l'idée que j'ai pu te manquer, même rien qu'un peu.
Tu n'as pas changé d'immeuble non plus.
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Puisque tu sembles toujours plongé dans ta composition, je sors mes devoirs de mon sac ; comme ça ce sera fait.
Même si je préfèrerais largement attraper mon alto et laisser la musique m'emporter vers des cieux plus cléments.
Tu ne m'as presque pas parlé depuis l'épisode du téléphone et je crains que tu ne sois toujours fâché.
Je ne veux pas qu'on se quitte comme ça, moi !
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L'idée de partir en te laissant une mauvaise impression de moi me mine tellement que je finis par bazarder trousse, livre et cahier au travers de la pièce, te faisant sursauter au passage.
Puis, aussitôt honteux de ma réaction puérile, je me dépêche de tout ramasser pour le fourrer en vrac dans mon sac, j'ai pas la tête à bosser.
Je sens ton torse contre mon dos alors que j'essaie rageusemen
t de ranger un livre récalcitrant. Tes mains se posent sur les miennes pour m'obliger à lâcher prise. _ Qu'est-ce qui t'arrive ?
Ta voix est douce et posée, sans la moindre trace d'irritation. Moi, à ta place, je me serais déjà mis des baffes depuis longtemps.
_ T'es encore fâché...
Encore une fois, je fais ressortir mon côté le plus gamin. Désespérant !
Tu ris doucement et me retournes face à toi, tes mains relevant mon menton.
_ Pourquoi je serais fâché ?
_ À cause de ce que j'ai dit hier, le téléphone...
Tu secoues la tête.
_ Je ne suis pas fâché Théo.
_ Alors pourquoi tu m'ignores depuis ?
Je déteste l'effet que me fait ta façon de prononcer mon prénom. Je déteste encore plus quand je parle comme ça, on dirait un chaton trempé qui miaule pitoyablement.
Je déteste aussi l'envie pressente que j'ai de t'embrasser quand je te vois te mordiller la lèvre avec cet air gêné.
_ Désolé, je ne voulais pas te donner cette impression. C'est juste que quand j'ai une idée en tête j'ai tendance à oublier tout le reste. Pardon.
C'est moi qui devrais m'excuser d'être si capricieux...
_ Si tu veux pour me faire pardonner, je t'emmènerai déjeuner dans un endroit sympa.
Je me retiens de justesse de te dire de garder ton argent pour des choses moins futiles et te remercie comme il se doit, avec un grand sourire. Tu m'ébouriffes gentiment les cheveux et retournes à tes partitions en fredonnant.
J'ai toujours les mains qui me démangent mais je ne veux pas te déranger. A défaut, je sors mon baladeur CD et me bouine dans ta couette, ton odeur, en regardant les nuages défiler par la lucarne.
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Finalement, j'ai du m'endormir car la musique s'est arrêtée sans que je ne m'en rende compte.
Par réflexe, je mets une claque au truc qui me gratouille la joue avant de me rendre compte que c'est toi avec une plume ; je ne veux même pas savoir d'où elle vient !
_ Allez petite marmotte, il est bientôt midi et on a un peu de chemin à faire.
Je me lève difficilement et te fais rire sans comprendre pourquoi. Sur tes conseils, je vais me jeter un œil dans le miroir : en effet, j'ai une belle trace de drap sur la joue. Très artistique.
Je finis rapidement de ranger mes affaires, fais un tour rapide pour m'assurer de n'avoir rien oublié et jette un dernier regard à cette chambre moisie qui aura vu ma toute première expérience.
Tu refermes la porte grise gardienne de ton domaine.
. Tu m'emmènes jusqu'au dernier étages mais celui-ci a bien changé : plus de couloir sur lequel s'alignaient les portes au garde à vous, comme une haie d'horreur vers une latrine puante. De fait, il ne reste qu'un tout petit palier de 2m sur 2m et une porte de ois d'un joli vert anis.
Attention, ouverture ! Et... waw...
La totalité du dernier étage a été décloisonnée offrant au regard un immense espace d'un blanc 'touche de piano' structuré de quelques poteaux en bois blond.
Pour soutenir la charpente ?
Les seules cloisons sont celle des toilettes (signalés par un panonceau) et de la buanderie planqués derrière l'escalier.
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En partant de la droite vers la gauche on a donc :
Les locaux susnommés, une cuisine américaine avec un comptoir et deux tabourets hauts, une immense table en pierre entourée de chaises à dossier haut et droit (tout droit sortis d'un restaurant chinois) et derrière la table contre le mur en soupente un buffet bas laqué noir.
Ça, c'est pour l'aile droite ; en face de l'entrée se situe le salon.
Un écran plat trouve sa place entre deux des saignées vitrées qui prolongent les anciennes lucarnes jusqu'au sol. Face à l'écran, donc dos à l'entrée se tassent deux fauteuils en cuir brun foncé, totalement avachis, et sûrement hyper confortables. Sur le côté gauche traîne un canapé deux places style BZ recouvert d'une housse vert tendre.
Entre les fauteuils et la télé, on trouve une table basse en bois d'inspiration orientale entourée de coussins de sol sur un tapis à longs poils crème.
Une bibliothèque sans fond et croulant sous le poids de ses livres sert de séparation entre la partie publique et privée.
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Deux lutrins, dont un déborde de partitions, sont sagement rangés le long de la soupente près d'un bureau en verre et acier brossé sur lequel reposent quelques piles de papier bien nettes. Puis on arrive au mur opposé à celui de la cuisine avec un lit mezzanine et ses deux tables de nuit. Sous la mezzanine, du même bois que les poteaux, s'est blotti un second bureau, en bois sombre, sur lequel s'étale un capharnaüm de pages, revues et livrets musicaux en tout genre.
Après la mezzanine, sous le deuxième long pan s'ouvre une immense garde-robe-range-tout.
Puis retour derrière l'entrée avec une salle de bain protégée par des carreaux de verre.
Je laisse échapper un long sifflement admiratif devant l'immense baignoire carrée spéciale 'on rentre à deux à l'aise'.
Et là ma respiration se bloque douloureusement, je comprends la drôle d'impression qui me poursuit depuis que je suis là ; ce magnifique appartement c'est...
_ Un véritable nid d'amour que tu as là...
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Parce que je ne vais pas vite, et pour ne pas me laisser chargé comme un baudet alors que tu as les mains vides, tu prends ma valise et m'entraînes au travers d'un dédale de rues qui me sont inconnues. Tu marches vite et j'ai un peu de mal à te suivre, le regard fixé sur ton dos trop maigre recouvert d'un blouson miteux.
Je soupire ; même sur la pointe des pieds je ne t'arrive pas plus haut que le menton...
Je voudrais être grand et fort, pouvoir prendre un peu du fardeau qui te voûte les épaules, plutôt que d'en rajouter par ma bêtise.
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Ma valise me fait un croche-pied quand tu t'arrêtes enfin. Nous nous trouvons devant un espèce de minuscule boui-boui chaleureusement tapissé de tissus bariolés.
Un homme très basané nous accueille affablement, te claque deux bises et nous conduit à un table assez basse recouverte d'une nappe blanche qui tombe jusqu'au sol. En guise de chaise nous avons des poufs orange tissés de fils dorés.
Donc ce midi, c'est couscous de mouton ; je raffole du couscous ! Surtout qu'ils n'ont pas lésiné sur la quantité, avec ça je ne risque pas d'être malade dans le train.
Explications : je ne suis jamais malade, grippe, gastro... tout ça ne m'atteint pas. Mais si je n'ai pas le ventre bien calé dans les transports (train, voiture, bus, avion...) je suis irrémédiablement malade et c'est pas beau à voir...
Rapidement, le silence s'emplit de bruits de mastication enthousiaste.
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_ J'ai jamais mangé un aussi bon couscous. » Conclus-je en grappillant quelques raisins sec dans un pot.
Tu me souris, l'air amusé.
_ Quoi ?
_ J'avais oublié que les gamins de ton âge mangeaient autant.
_ Gamin, gamin... Je ne suis pas un bébé non plus !
_ Tu as quand même huit ans de moins que moi, à nos âge c'est une grande différence.
Alors là, tu ne pouvais me faire plus mal. Mais étrangement mes yeux restent secs. Peut-être parce que tu ne m'apprends rien de nouveau ?
_ Un jour je serai celui qui est le plus grand, tu verras !
Tu éclates gentiment de rire.
_ Je fais 1m72, j'espère bien pour toi que tu seras plus grand que moi !
...ça n'est pas dans ce sens que je voulais le dire...
Il est déjà quatorze heures vingt ; il est temps d'y aller si je ne veux pas rater mon train.
Est-ce que je 'ne veux pas rater mon train' ? Bonne question.
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Je suis surpris de découvrir que nous étions à peine à un quart d'heure de la gare. J'ai donc largement le temps de composter mon billet et de me rendre sur le quai. Vingt-cinq minutes, assis côte à côte, sans rien dire ni faire d'autre que t'écouter fredonner.
Subrepticement, je colle mon genou au tien en faisant mine de changer de position. Tu ne bouges pas.
C'est rien, mais ça me donne un peu plus chaud.
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Tu réponds à mon exclamation d'un petit sourire et m'enjoint de poser mes affaires tandis que tu nous prépares un truc chaud à boire. Je commande un chocolat tout en adossant mon étui au BZ qui me servira de lit. Puis j'investis l'un des coussins près de la table basse.
Je te regarde siffloter dans ta cuisine et remarque (enfin ?) la frise peinte à la main qui fait le tour de la pièce à mi-hauteur.
C'est une partie pour violon. J'essaie d'en siffloter un bout mais la mélodie ne me dit rien du tout.
« Sweet sleepless night » m'annonces-tu en posant mon mug sur la table basse.
_ Connais pas.
Tu souris : normal, c'est toi qui l'a composée, le titre est en anglais par ce que 'douce nuit sans sommeil' sonne moins bien.
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Tu me proposes un fauteuil, je refuse, alors tu me rejoints par terre.
J'étouffe, te savoir de nouveau si près de moi me broie les entrailles. Mais c'est ce décor qui m'oppresse le plus, je ne me sens pas à ma place dans ce cocon que tu me dis avoir fait de tes mains, avec l'aide de tes amis. J'ai trop l'impression de plonger dans l'intimité du couple heureux que tu ne peux que former avec la personne pour qui tu as fait tout ça.
Je ne comprends pas pourquoi c'est moi qui suis là, seul avec toi, cette nuit de Noël.
_ Pourquoi tu ne passes pas Noël avec ta moitié ? » Je demande tout à trac, te coupant alors que tu m'expliques par quel heureux hasard tu as pu te retrouver propriétaire de la totalité de l'étage.
Tu as d'abord l'air de croire que je plaisante, puis tu fouilles mon visage de ton regard devenu sérieux.
Ce que tu y trouves semble te désappointer terriblement.
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Le train arrive en gare, je me lève pour rassembler mes affaires, la mort dans l'âme.
D'abord laisser sortir les gens, puis laisser entrer les nouveaux voyageurs.
Il ne reste plus que moi.
Tu m'ébouriffes une dernière fois les cheveux et poses un bisou sur ma joue en guise d'adieu.
Je grimpe dans le wagon avec mon alto, puis tu me passes ma valise.
« Ah ! Au fait ! » et tu me glisses une liasse de feuilles dans les mains.
Je jette un œil dessus : la partition incomplète que j'avais essayé de jouer, hier ? Seulement ?
Tu souris de mon air abasourdi.
_ Je suis sûr que toi, tu sauras en faire quelque chose.
Ma gorge se bloque, les portes se ferment, tu te détournes lentement.
_ Alexandre !
Je m'égosille, tu me regardes, le chef de gare siffle à quelques mètres.
_ Je t'aime...
Ce n'est qu'un murmure comme un sanglot qui passe mes lèvres alors que le train s'ébranle.
Je m'effondre, tes partitions serrées contre mon cœur glacé.
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Tu poses ta tasse sur la table, près de la mienne puis tu te places juste devant moi en levant les yeux vers mon visage.
_ Tu mesures combien maintenant ?
Je ne vois pas le rapport avec la choucroute mais ta proximité limite mes capacités de réflexion, je te réponds donc que je mesure 1m85.
Ton sourire me fait penser à la Madone.
_ Tu as drôlement grandi... Et tu n'as plus rien d'un enfant » ajoutes-tu avec un sourire en coin.
Encore heureux que je n'ai plus grand-chose du gamin fluet que j'étais ! Si tu savais le nombre d'heures que j'ai passées à la piscine pour avoir la carrure que j'ai !
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Mon cœur rate un battement quand je remarque que tu t'es penché vers moi. Ma respiration devient aussi erratique que le va et vient de ton regard entre mes yeux et mes lèvres.
Je retiens difficilement un gémissement de frustration quand tu t'arrêtes à une paume de mon visage, tes mains sur mes cuisses. Du regard, tu m'incites à porter mon attention sur le mur à côté. La frise ?
_ Je l'ai composée cette nuit là Théo.
Je ramène mon regard vers toi. Serait-ce celle que tu ne voulais pas que je voie ?
Tu te penches encore vers moi, je n'en peux plus de te vouloir ! Je veux tes lèvres contre les miennes, mais je ne fais rien. Je crains de ne pas pouvoir me retenir si jamais je bougeais ne serait-ce qu'un cil.
Je déglutis, et tu dévies ta course au dernier moment, effleurant à peine ma joue. je sens tes cheveux chatouiller ma mâchoire.
_ Cet endroit Théo, c'est pour toi que je l'ai bâti.
Ta voix est à la fois caressante et rude. Tu effleures de tes lèvres la peau juste en dessous de mon oreille.
Le frisson qui me parcourt alors me dévaste autant qu'un orgasme. Je suis figé, déconnecté. Mon cerveau a foutu le camp.
Je suis incapable de réagir, même quand tu te lèves et t'éloignes de moi. Je ne peux que ressentir un froid immense.
Puis lentement je réalise le véritable sens de tes paroles.
Tu reviens t'asseoir sur ton coussin, les jambes ramenées contre toi. Et je fais la seule chose qui me soit possible sans prendre le risque de te sauter dessus sauvagement : je suis du regard chacun de tes gestes. Tu affiches un très joli air mélancolique.
_ Je ne dormais pas tu sais...
Je rougis.
_ Je ne t'ai pas arrêté parce que je ne voulais pas que ça s'arrête. Je ne t'ai pas répondu parce que je ne pensais pas pouvoir me retenir...
Tu marques une pause.
_ Tu étais si jeune et inexpérimenté, j'étais persuadé qu'il ne s'agissait que 'd'exploration' pour toi, de découverte. Je ne voulais pas... Tu secoues la tête. Et j'ai eu raison, ou j'ai cru avoir eu raison, puisque tu as été aussitôt dégoûté... « Immonde », c'est ce que tu as dit...
_ D'avoir abusé de toi alors que tu avais si gentiment accepté d'héberger un gamin que tu ne connaissais même pas. » je croasse.
Tu me souris, tu l'as compris ça, plus tard...
Ta main vient dessiner des arabesques sur la mienne, du bout des doigts.
Je laisse doucement sortir ces mots qui me brûlent la gorge depuis si longtemps.
_ Je t'aime.
_ Je sais.
Tu t'approches à nouveau de moi, assez près pour que je sente ton souffle sur mes lèvres, tu les caresses de l'index.
_ Je l'ai lu...
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Mon cœur explose dans ma poitrine quand tu remplaces enfin ton doigt par ce que j'attendais. Doucement, chastement, tu déposes des baisers sur ma bouche, mon nez, ma tempe gauche, mon front,... tout en rapprochant ton corps du mien. Tu es assis sur mes genoux et étrangement, je me rends compte que le sentiment d'urgence qui m'habitait diminue proportionnellement à la surface de mon corps habitée par le tien ; il laisse place à un profond besoin de tendresse.
Je passe mes mains sur ton dos _bonheur ! je ne suis plus capable d'en compter les côtes_ te rapproche de moi. Tu as tes mains sur mon visage et m'embrasses avec ferveur mais sans profondeur.
Dieu que j'ai attendu ce moment ! Même si j'ai largement eu l'occasion de remarquer que tu t'étais très bien débrouillé pour t'en sortir sans moi.
Tu me murmures des centaines de « je t'aime », et t'emploies activement à me le prouver.
Je l'ai attendu longtemps ce bonheur, et je ne l'en savoure que plus.
Tags : Fiction, Rédaction, Romance, Drame, Tranche de vie
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