• Konya mo Nemurenai

    8,2/10

    Manga
    Encore une nuit blanche !
    Yamamoto Kotetsuko
    Romance, Surnaturel, Comédie
     
    Rikiya Higuchi est un jeune étudiant de dix-huit ans timide qui rêve d'avoir un petit ami. Pour décider de changer sa vie, il s'inscrit sur un site de rencontres. Malheureusement, sa première expérience est un véritable désastre, et Rikiya se retrouve piégé par celui qu'il pensait être son ami. Involontairement, il passe un contrat avec démon qui lui promet de réaliser un de ses voeux...
    Mais une fois le vœu réalisé, le démon décide de rester sur Terre... et surtout, chez Rikiya ! Commence alors une vie mouvementée pour Rikiya, qui va devoir jongler entre sa vie avec un démon et son majordome et son quotidien d'étudiant à l'université...
    (Source Boys Love)
    Du même auteur
    Konya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo Nemurenai
    Informations
    Dessin: Yamamoto Kotetsuko
    Scénario: Yamamoto Kotetsuko
    Editeur: Gentosha
    Sortie VO: 2011
    Sortie VF:  2018
    Manga licencié par Boys Love
    Titre alternatif:  今夜も眠れない
    Format: 3 tomes
    Type: Yaoi
    Nombre de chapitres: 
    19 chapitres + 3 Extra
    Konya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo NemurenaiKonya mo Nemurenai
    Streaming et téléchargement
    Lecture en ligne (eng)
    Volume 01 - Volume 02
    Acheter le manga
    Boys Love
    Fiches liées



    Yamamoto Kotetsuko

    2 commentaires
  • Viewfinder

    7,5/10

    Anime
    Viewfinder
    Yamane Ayano
    Police, Romance, Drame, +18
     
    Takaba Akihito, jeune photographe qui cherche des scoops en prenant des photos de transactions louches, s'est fait repérer par les yakuzas. Ryuichi Asami, l'un des chefs de la mafia, montre beaucoup d'intérêt pour Takaba et ce que ce dernier ne sait pas encore, c'est que cette rencontre va changer sa vie. Il finit par se faire capturer par Asami et dès lors commence entre eux un jeu du chat et de la souris où ils ne feront que se croiser par pur hasard ou pas. Mais un nouveau tournant attend Takaba lorsqu'il fait la "mauvaise" rencontre de Feilong...
    Vidéo
    Informations
    Auteur: Yamane Ayano
    Réalisateur: //
    Studio:  Geneon Entertainment
    Fansub FR: Yaoi Ouji
    Titre alternatif: ファインダーの標的 
    Format: OAV
    Sortie: 29/02/2012
    Type: Yaoi
    Nombre d'épisodes: 2
    Durée d'épisode: 38 minutes
    Site officiel
    ViewfinderViewfinderViewfinderViewfinderViewfinderViewfinderViewfinderViewfinder
    Streaming et téléchargement
    Streaming
    01 - 02
    Téléchargement
    Yaoi Ouji

    4 commentaires
  • Chapitre 1
    Fictions
    Les violons d'hiver
    nanashi-san

    Chapitre 1 "Les violons d'hiver" par nanashi-san
    Les $$$ marquent le changement d'époque

    Je jette un coup d'œil à l'horloge de bord en m'engageant dans ta rue ; il est déjà bientôt vingt-deux heures.

    Je secoue la tête, dépité. Le trajet n'aurait pas du durer plus de cinq heures, mais c'était sans compter les vingt kilomètres parcourus en trois heures pour cause de 1/ départ en vacances, 2/ accident entre deux camions qui a bouché la route un très long moment. Je ne suis pas mécontent d'être enfin arrivé.

    Par chance, il y a une place libre juste en bas de ton immeuble.

    Je coupe le contact, ôte ma ceinture de sécurité et pousse un profond soupire de soulagement. Je vérifie mon portable : huit appels en absence, tous de toi. J'appuie sur l'icône 'rappel vocal'.

    Tu décroches dès la première sonnerie, un soupçon de panique dans la voix.

    _ Théo ! Tu es où ? Tu vas bien ? Si tu savais comme je me suis inquiété.

    _ Je suis désolé mon cœur, j'ai été pris dans des bouchons monstres à cause d'un accident. _ Tu arrives dans combien de temps ?

    J'adore cette petite voix plaintive et boudeuse que tu me fais parfois quand je t'ai manqué. Parfois on ne dirait pas que c'est toi l'aîné de nous deux, et de loin.

    _ Je ne sais pas trop. A ton avis, ça prend combien de temps de monter cinq étages ?

    Pas de réponse, ça a raccroché.

    .

    Je range mon portable dans la poche de ma veste, regroupe les reliefs de mon repas dans une poche plastique et n'ai que le temps de sortir de la voiture pour récupérer mon amoureux jeté dans mes bras.

    Je ne sais toujours pas combien de temps ça m'aurait pris de monter juste chez toi, mais tu as mis moins d'une minute à dévaler les escaliers qui nous séparaient. Je nous décale un peu pour pouvoir fermer la portière et entreprends de répondre comme il se doit à ton étreinte et ton angoisse : longuement.

    C'est finalement une patrouille de police qui nous sépare d'un coup de klaxon. Nous nous regardons, embarrassés puis tu te mets à pouffer, m'entraînant dans ton hilarité. Une fois remis, nous commençons à décharger mes affaires.

    J'avais déjà commencé à emménager chez toi, chez nous maintenant, lors de mes précédentes visites (vacances, week-end prolongés) mais la Volvo break que j'ai héritée de mon père (il roule maintenant en A3 CC) est pleine à raz bord.

    Pour un premier voyage, on commence par monter tout le petit bordel que j'avais tassé dans les coins ; les merdouillous qui ne méritent pas un carton et se retrouvent donc dans une multitude de sacs, pas lourds mais pas pratiques. Je dépose le tout sur le canapé, retrouvant notre cocon avec bonheur.

    Maintenant, il y a un peu de moi disséminé chez toi : mon vieux plaid en tartan vert repose sur l'accoudoir d'un des fauteuils, certains de mes livres ont rejoint les tiens dans la bibliothèque et il y a au moins autant de partitions sur mon chevalet que le tien, un troisième attend dans le coffre d'être mis à contribution. A chacun de mes séjours ici, chez toi est devenu un peu plus chez nous. Même si j'ai encore du mal à le penser comme ça.

    .

    Au bout d'une longue demi-heure d'allers retours entre la voiture et l'appartement, fatigué de ne faire que te croiser, je t'attrape entre deux niveaux pour un câlin crapuleux. Tes mains crispées dans mes cheveux, les miennes sous ta chemise, mes lèvres dans ton cou et ton corps pressé contre le mien, je suis au paradis.

    Tu ris doucement de me voir si empressé. Mais qu'y puis-je si à chaque fois que je te dis 'au revoir' je crains que ce ne soit la dernière, et si à chaque fois que je te retrouve encore à moi j'ai l'impression qu'un miracle vient de se produire.

    Et puis, tu sais quoi ? Je n'ai aucune intention de m'y habituer et perdre ce bonheur incroyable d'être toujours émerveillé à l'idée que tu m'aimes.

    Ma faim de toi commençant à s'apaiser, tu me repousses gentiment et me redonnes du cœur à l'ouvrage en me promettant un bain à deux, une fois la voiture débarrassée.

    Quand je repense à nous, notre histoire, j'ai le vertige de me dire que depuis notre première rencontre, seuls les instants passés à tes côtés possèdent cette lumière si particulière, cette couleur qui me fait sentir complet et vivant.

    Nous nous sommes souvent appelés ces six derniers mois, depuis ce deuxième plus beau Noël de ma vie. Mais juste entendre ta voix ne suffit pas pour combler six ans de vide.

    Mes séjours ici, bien que toujours trop courts, nous ont permis de commencer à nous apprendre. J'ai appris à mettre mon linge directement au sale, et toi à supporter le mug itinérant que je trimballe un peu partout, toujours à moitié plein, et ne lave en moyenne qu'une fois par semaine.

    Je ne savais presque rien de toi quand je suis tombé amoureux, et tu as, comme moi, largement eu le temps de changer depuis. Objectivement, nous ne sommes pas très compatibles, nos façons de vivre sont radicalement différentes, mais je prie pour que nos sentiments soient suffisamment forts pour tenir le temps que nous nous habituions l'un à l'autre. J'ai bon espoir, il y a peu de concessions que je ne suis pas prêt à faire pour toi. Et puis tous deux aimons avec la même force la musique et nous endormir en contemplant les étoiles.

    Ça nous suffit, pour le reste, on fera avec.

    .

    Je balance avec soulagement mon dernier chargement dans un coin avec un soupir de soulagement. Je remarque à ton froncement de sourcil que ce geste heurte ton côté soigneux, mais vu l'heure et comme ce sont mes affaires, tu laisses tomber et vas faire couler le bain promis ; non sans m'avoir volé un long baiser au passage.

    De mon côté, je vais vers la cuisine mettre une tarte flambée au four : il y a toujours de la tarte flambée dans ton frigo. Une fois le minuteur réglé, je te rejoins, nu. J'ai gentiment mis mes vêtements puants où il se doit.

    _ Théo ?

    _ J'ai envie de toi.

    Je mordille ton cou là où j'avais laissé un suçon dans l'escalier et te sens fondre immédiatement. En un tour de main, tes vêtements ont disparu et tes jambes ont retrouvé leur place autour de mes reins. Les caresses, la tendresse attendront. Là j'ai trop faim ; et toi aussi.

    Nous nous jetons l'un sur l'autre comme des morfales, ton corps pressé entre mon corps et la cloison en pavés de verre.

    Notre fièvre apaisée, tu te précipites vers la baignoire qui ne va pas tarder à déborder et je vais chercher notre repas, coupé en petits carrés, et un tabouret pour poser le plateau avant de me décrasser sommairement au gant puis d'entrer avec délice dans l'eau chaude. Tu te glisses entre mes jambes, ton dos contre mon torse et plein de mousse autour de nous ; tu adores les bains pleins de mousse.

    Nous grignotons en silence, profitant doucement du calme et du corps de l'autre.

    _ Alexandre ?

    _ Hum ?

    Tu me réponds paresseusement en faisant glisser le blob que tu appelles 'éponge naturelle' sur mon genoux gauche, celui où l'on voit encore la cicatrice d'une fracture faite il y a quatre ans.

    _ Comment tu as pu savoir, que je reviendrai ?

    _ Je ne le savais pas, j'ai juste eu envie de croire à la promesse sur tes lèvres, quand le train partait.

    _ Je ne t'ai rien promis.

    _ Tu m'as dis « je t'aime », j'espérais que ça durerait assez longtemps pour que tu reviennes me trouver.

    _ Je n'étais qu'un gamin, à l'époque. Tu me l'as bien assez dit. Qu'est-ce qu'un homme de vingt ans peut bien trouver à un môme à peine pubère ?

    _ Je ne sais pas. Tu étais adorable et tu me regardais comme si j'étais exceptionnel, peut-être que ça a suffit. Une pause puis tu reprends. Le pire, c'est que j'ai réalisé que je ne voulais pas te laisser partir qu'au moment où les portes se sont fermées ; quand il était déjà trop tard. C'est probablement la raison pour laquelle j'ai voulu croire si fort à ton retour. Je voulais avoir une seconde chance de te garder.

    Tu es horrible ; me déballer comme ça des choses aussi...

    J'en ai la gorge serrée. Bon sang si tu savais comme je t'aime !

    _ Alex ?

    _ Hum ?

    _ Ce soir, je voudrais que tu fasses ce que tu aurais du faire il y a six ans au lieu de faire semblant de dormir. S'il te plait, fais-moi l'amour.

    Contrairement à ce que j'avais envisagé, ce soir nous n'explorerons pas plus avant les possibilités qu'offre cette merveilleuse baignoire. Et le rangement attendra demain, mais ça c'était prévu.


    4 commentaires
  • Chapitre 1
    Fictions
    Les violons d'hiver
    nanashi-san

    Chapitre 1 "Les violons d'hiver" par nanashi-san
    Les $$$ marquent le changement d'époque

    Recru de fatigue, je m'allonge après avoir fini le chocolat que tu m'as préparé. Tu emportes les tasses pour les mettre dans le lavabo puis récupères ta sacoche de partitions avant de revenir au chaud sous la couette.

    Je m'endors doucement en détaillant le froncement de tes sourcils, le pli un peu boudeur de tes lèvres, tes doigts fins qui battent une mesure connue de toi seul alors que tu bloques sur une série de notes et les longs cils clairs qui bordent ton regard concentré.

    .

    Le vacarme du camion poubelles dans la rue me réveille en sursaut.

    Tu n'as pas bougé, toujours en train de composer malgré tes yeux bouffis de fatigue. Un froissement de drap attire ton attention et tu me salues avec un sourire doux et fatigué.

    _ Bien dormi ?

    _ Un peu froid. » Me plains-je pensant au manque de ton corps contre moi avant de souligner que, toi, tu n'as pas fermé l'oeil de la nuit.

    Tu me désignes le paquet de feuilles près de toi du bout de ton crayon.

    _ J'étais inspiré.

    Je tends une main : « Je peux ? »

    _ Non !

    Bon, tant pis.

    Je me lève et vais faire une rapide toilette de chat, rougissant à l'idée que tu puisses me voir nu. Je jette un œil dans le miroir : tu es resté concentré sur ta copie.

    Etrangement je suis autant soulagé que déçu de cette constatation. D'un autre côté, il n'y a pas de raison valable pour qu'un garçon normal veuille en mater un autre, n'est-ce pas ?

    Ah ben merde ! Maintenant, j'ai envie de pleurer ; comme si j'avais pas assez donné depuis deux jours.

    Décidément, face à toi, je suis incapable de réagir normalement. C'est assez effrayant en y pensant...

    .

    Comme ma gorge ne semble pas vouloir se débloquer malgré les exercices de respiration auxquels je m'astreins depuis quelques minutes, je me propose pour aller chercher le petit-déjeuner. Il n'est que 7h30, je n'ai pas assez dormi mais il faut que je sorte.

    Tu m'indiques une boulangerie pas loi et je dévale des escaliers que je ne vois déjà plus. Je n'arrive même plus à savoir si je suis toujours triste de partir dans moins de huit heures ou pressé d'y être pour ne plus avoir à supporter le yo-yo de mon humeur quand je suis près de toi ;

    Je m'assieds sur les marches d'une porte cochère pour me calmer un peu avant d'entrer dans la boulangerie. Ça n'empêche pas la serveuse de me regarder bizarrement alors que je lui commande deux croissants, un pain au chocolat et une baguette.

    Ça m'énerve d'un coup : oui j'ai pleuré, encore, et alors ?!

    Foutez-moi la paix...

    .

    En rentrant, je te trouve torse nu devant le lavabo à finir de te raser. Je m'efforce de ne pas te regarder en posant mes achats sur la simili-table ; la sensation de ta peau sous mes mains reste un peu trop présente à mon esprit.

    Pour m'occuper, je commence à ranger ma valise. Je me demande comment papa va réagir en apprenant que ma mère m'a abandonné la veille de Noël pour passer les fêtes avec son amant. Pas que j'ai très envie de lui dire mais je ne sais pas bien mentir.

    .

    Au fil de la conversation, j'en apprends un peu plus sur ta situation actuelle.

    Après t'avoir embauché, avec un salaire décent pour changer, Roger t'a présenté à un ami qui t'a généreusement rétribué pour inculquer le solfège à son capricieux de fils. Ta patience a payé, le gamin a fini par devenir plutôt doué et concerné par la musique. L'homme a parlé de ce petit miracle à son entourage.

    Ainsi, de bouche à oreille, tu as développé une clientèle à la fois fidèle, aisée et généreuse. Puis l'un d'eux t'as a proposé de remplacer le groupe prévu pour animer le mariage de sa fille avec Justine et Adrien. Le succès a été au rendez-vous et l'idée a fait boule de neige.

    Maintenant tu enseignes en semaine et le samedi, le soir tu travailles à la crêperie, excepté les jours de 'représentation'. Tu travailles au moins autant qu'avant mais tu gagnes bien mieux ta vie.

    Pour sûr ! Ce n'est pas il y a six ans que tu aurais pu t'offrir le beau pull en cachemire que tu portes.

    _ J'imagine que tu ne vis plus dans l'espèce de taudis sous les toits que j'ai connu.

    Ton petit sourire mystérieux m'intrigue.

    _ Plus ou moins...

    Ma curiosité tout à fait éveillée, je t'interroge mais tu ne cesses de me répondre que « je verrai ». Boudeur, je te tourne le dos et m'engage dans une discussion très animée, et totalement décousue, avec Liliane.

    .

    Je te suis le long des rues obscures qui mènent chez toi et je repense à la soirée que je viens de vivre : chaleureuse, conviviale, à l'image de cette adorable crêperie.

    Mais j'ai surtout ressenti très fort l'immense décalage entre la famille soudée que vous formez tous et 'la pièce qui s'est rapportée toute seule' que je suis.

    Pas que vous m'ayez mis à l'écart ; bien au contraire ! Vous aviez même l'air content de me voir.

    C'est juste typiquement le genre de situation où, pour tenter de mettre à l'aise ''le revenant du fond des âges' on ne cesse de le prendre à parti et vouloir de toute force qu'il soit de toutes les conversations. On lui ressort aussi toutes les petites anecdotes familiales qu'il a manquées, pour lui faire rattraper le temps perdu peut-être. Malheureusement ça ne réussit la plupart du temps qu'à souligner l'absence de celui-ci durant tous ces petits moments qui tissent de vrais lien entre les gens.

    Vous avez commencé votre vie sans moi, l'avez construite avant et après moi.

    Comme dit la chanson « je n'ai été qu'un météore ».

    Je n'aurais pas du revenir.

    _ Pleure pas Théo...

    Je relève la tête et te lance un regard furieux : je ne pleure pas !

    Même si je ne suis pas loin d'en avoir envie. Ça faisait longtemps tiens...

    .

    Je me demande ce à quoi je m'attendais à revenir là, parmi vous. Je me rends compte maintenant que j'ai changé en six ans, toi aussi et jamais les choses ne seront comme avant.

    _ Théo ? Tu es fatigué, Tu veux que je prenne ta valise ? On n'est plus très loin, ça va aller.

    Pardon ? Ah, oui, j'ai arrêté de marcher on dirait. Pourquoi continuer de toutes façons ?

    .

    Je regarde autour de moi en suivant le roulement chaotique de ma valise ; tu n'as pas changé de quartier on dirait.

    _ Tu sais Théo, je suis vraiment heureux de te revoir. J'ai souvent pensé à toi...

    Comme tu continues de marcher devant moi en parlant, ta voix me parvient étouffée et je n'arrive pas à déterminer ton intonation exacte. Je ne peux voir non plus ton expression.

    Par contre, je sens très bien mon cœur qui s'emballe à l'idée que j'ai pu te manquer, même rien qu'un peu.

    Tu n'as pas changé d'immeuble non plus.

    .

    Puisque tu sembles toujours plongé dans ta composition, je sors mes devoirs de mon sac ; comme ça ce sera fait.

    Même si je préfèrerais largement attraper mon alto et laisser la musique m'emporter vers des cieux plus cléments.

    Tu ne m'as presque pas parlé depuis l'épisode du téléphone et je crains que tu ne sois toujours fâché.

    Je ne veux pas qu'on se quitte comme ça, moi !

    .

    L'idée de partir en te laissant une mauvaise impression de moi me mine tellement que je finis par bazarder trousse, livre et cahier au travers de la pièce, te faisant sursauter au passage.

    Puis, aussitôt honteux de ma réaction puérile, je me dépêche de tout ramasser pour le fourrer en vrac dans mon sac, j'ai pas la tête à bosser.

    Je sens ton torse contre mon dos alors que j'essaie rageusemen

    t de ranger un livre récalcitrant. Tes mains se posent sur les miennes pour m'obliger à lâcher prise. _ Qu'est-ce qui t'arrive ?

    Ta voix est douce et posée, sans la moindre trace d'irritation. Moi, à ta place, je me serais déjà mis des baffes depuis longtemps.

    _ T'es encore fâché...

    Encore une fois, je fais ressortir mon côté le plus gamin. Désespérant !

    Tu ris doucement et me retournes face à toi, tes mains relevant mon menton.

    _ Pourquoi je serais fâché ?

    _ À cause de ce que j'ai dit hier, le téléphone...

    Tu secoues la tête.

    _ Je ne suis pas fâché Théo.

    _ Alors pourquoi tu m'ignores depuis ?

    Je déteste l'effet que me fait ta façon de prononcer mon prénom. Je déteste encore plus quand je parle comme ça, on dirait un chaton trempé qui miaule pitoyablement.

    Je déteste aussi l'envie pressente que j'ai de t'embrasser quand je te vois te mordiller la lèvre avec cet air gêné.

    _ Désolé, je ne voulais pas te donner cette impression. C'est juste que quand j'ai une idée en tête j'ai tendance à oublier tout le reste. Pardon.

    C'est moi qui devrais m'excuser d'être si capricieux...

    _ Si tu veux pour me faire pardonner, je t'emmènerai déjeuner dans un endroit sympa.

    Je me retiens de justesse de te dire de garder ton argent pour des choses moins futiles et te remercie comme il se doit, avec un grand sourire. Tu m'ébouriffes gentiment les cheveux et retournes à tes partitions en fredonnant.

    J'ai toujours les mains qui me démangent mais je ne veux pas te déranger. A défaut, je sors mon baladeur CD et me bouine dans ta couette, ton odeur, en regardant les nuages défiler par la lucarne.

    .

    Finalement, j'ai du m'endormir car la musique s'est arrêtée sans que je ne m'en rende compte.

    Par réflexe, je mets une claque au truc qui me gratouille la joue avant de me rendre compte que c'est toi avec une plume ; je ne veux même pas savoir d'où elle vient !

    _ Allez petite marmotte, il est bientôt midi et on a un peu de chemin à faire.

    Je me lève difficilement et te fais rire sans comprendre pourquoi. Sur tes conseils, je vais me jeter un œil dans le miroir : en effet, j'ai une belle trace de drap sur la joue. Très artistique.

    Je finis rapidement de ranger mes affaires, fais un tour rapide pour m'assurer de n'avoir rien oublié et jette un dernier regard à cette chambre moisie qui aura vu ma toute première expérience.

    Tu refermes la porte grise gardienne de ton domaine.



    . Tu m'emmènes jusqu'au dernier étages mais celui-ci a bien changé : plus de couloir sur lequel s'alignaient les portes au garde à vous, comme une haie d'horreur vers une latrine puante. De fait, il ne reste qu'un tout petit palier de 2m sur 2m et une porte de ois d'un joli vert anis.

    Attention, ouverture ! Et... waw...

    La totalité du dernier étage a été décloisonnée offrant au regard un immense espace d'un blanc 'touche de piano' structuré de quelques poteaux en bois blond.

    Pour soutenir la charpente ?

    Les seules cloisons sont celle des toilettes (signalés par un panonceau) et de la buanderie planqués derrière l'escalier.

    .

    En partant de la droite vers la gauche on a donc :

    Les locaux susnommés, une cuisine américaine avec un comptoir et deux tabourets hauts, une immense table en pierre entourée de chaises à dossier haut et droit (tout droit sortis d'un restaurant chinois) et derrière la table contre le mur en soupente un buffet bas laqué noir.

    Ça, c'est pour l'aile droite ; en face de l'entrée se situe le salon.

    Un écran plat trouve sa place entre deux des saignées vitrées qui prolongent les anciennes lucarnes jusqu'au sol. Face à l'écran, donc dos à l'entrée se tassent deux fauteuils en cuir brun foncé, totalement avachis, et sûrement hyper confortables. Sur le côté gauche traîne un canapé deux places style BZ recouvert d'une housse vert tendre.

    Entre les fauteuils et la télé, on trouve une table basse en bois d'inspiration orientale entourée de coussins de sol sur un tapis à longs poils crème.

    Une bibliothèque sans fond et croulant sous le poids de ses livres sert de séparation entre la partie publique et privée.

    .

    Deux lutrins, dont un déborde de partitions, sont sagement rangés le long de la soupente près d'un bureau en verre et acier brossé sur lequel reposent quelques piles de papier bien nettes. Puis on arrive au mur opposé à celui de la cuisine avec un lit mezzanine et ses deux tables de nuit. Sous la mezzanine, du même bois que les poteaux, s'est blotti un second bureau, en bois sombre, sur lequel s'étale un capharnaüm de pages, revues et livrets musicaux en tout genre.

    Après la mezzanine, sous le deuxième long pan s'ouvre une immense garde-robe-range-tout.

    Puis retour derrière l'entrée avec une salle de bain protégée par des carreaux de verre.

    Je laisse échapper un long sifflement admiratif devant l'immense baignoire carrée spéciale 'on rentre à deux à l'aise'.

    Et là ma respiration se bloque douloureusement, je comprends la drôle d'impression qui me poursuit depuis que je suis là ; ce magnifique appartement c'est...

    _ Un véritable nid d'amour que tu as là...

    .

    Parce que je ne vais pas vite, et pour ne pas me laisser chargé comme un baudet alors que tu as les mains vides, tu prends ma valise et m'entraînes au travers d'un dédale de rues qui me sont inconnues. Tu marches vite et j'ai un peu de mal à te suivre, le regard fixé sur ton dos trop maigre recouvert d'un blouson miteux.

    Je soupire ; même sur la pointe des pieds je ne t'arrive pas plus haut que le menton...

    Je voudrais être grand et fort, pouvoir prendre un peu du fardeau qui te voûte les épaules, plutôt que d'en rajouter par ma bêtise.

    .

    Ma valise me fait un croche-pied quand tu t'arrêtes enfin. Nous nous trouvons devant un espèce de minuscule boui-boui chaleureusement tapissé de tissus bariolés.

    Un homme très basané nous accueille affablement, te claque deux bises et nous conduit à un table assez basse recouverte d'une nappe blanche qui tombe jusqu'au sol. En guise de chaise nous avons des poufs orange tissés de fils dorés.

    Donc ce midi, c'est couscous de mouton ; je raffole du couscous ! Surtout qu'ils n'ont pas lésiné sur la quantité, avec ça je ne risque pas d'être malade dans le train.

    Explications : je ne suis jamais malade, grippe, gastro... tout ça ne m'atteint pas. Mais si je n'ai pas le ventre bien calé dans les transports (train, voiture, bus, avion...) je suis irrémédiablement malade et c'est pas beau à voir...

    Rapidement, le silence s'emplit de bruits de mastication enthousiaste.

    .

    _ J'ai jamais mangé un aussi bon couscous. » Conclus-je en grappillant quelques raisins sec dans un pot.

    Tu me souris, l'air amusé.

    _ Quoi ?

    _ J'avais oublié que les gamins de ton âge mangeaient autant.

    _ Gamin, gamin... Je ne suis pas un bébé non plus !

    _ Tu as quand même huit ans de moins que moi, à nos âge c'est une grande différence.

    Alors là, tu ne pouvais me faire plus mal. Mais étrangement mes yeux restent secs. Peut-être parce que tu ne m'apprends rien de nouveau ?

    _ Un jour je serai celui qui est le plus grand, tu verras !

    Tu éclates gentiment de rire.

    _ Je fais 1m72, j'espère bien pour toi que tu seras plus grand que moi !

    ...ça n'est pas dans ce sens que je voulais le dire...

    Il est déjà quatorze heures vingt ; il est temps d'y aller si je ne veux pas rater mon train.

    Est-ce que je 'ne veux pas rater mon train' ? Bonne question.

    .

    Je suis surpris de découvrir que nous étions à peine à un quart d'heure de la gare. J'ai donc largement le temps de composter mon billet et de me rendre sur le quai. Vingt-cinq minutes, assis côte à côte, sans rien dire ni faire d'autre que t'écouter fredonner.

    Subrepticement, je colle mon genou au tien en faisant mine de changer de position. Tu ne bouges pas.

    C'est rien, mais ça me donne un peu plus chaud.

    .

    Tu réponds à mon exclamation d'un petit sourire et m'enjoint de poser mes affaires tandis que tu nous prépares un truc chaud à boire. Je commande un chocolat tout en adossant mon étui au BZ qui me servira de lit. Puis j'investis l'un des coussins près de la table basse.

    Je te regarde siffloter dans ta cuisine et remarque (enfin ?) la frise peinte à la main qui fait le tour de la pièce à mi-hauteur.

    C'est une partie pour violon. J'essaie d'en siffloter un bout mais la mélodie ne me dit rien du tout.

    « Sweet sleepless night » m'annonces-tu en posant mon mug sur la table basse.

    _ Connais pas.

    Tu souris : normal, c'est toi qui l'a composée, le titre est en anglais par ce que 'douce nuit sans sommeil' sonne moins bien.

    .

    Tu me proposes un fauteuil, je refuse, alors tu me rejoints par terre.

    J'étouffe, te savoir de nouveau si près de moi me broie les entrailles. Mais c'est ce décor qui m'oppresse le plus, je ne me sens pas à ma place dans ce cocon que tu me dis avoir fait de tes mains, avec l'aide de tes amis. J'ai trop l'impression de plonger dans l'intimité du couple heureux que tu ne peux que former avec la personne pour qui tu as fait tout ça.

    Je ne comprends pas pourquoi c'est moi qui suis là, seul avec toi, cette nuit de Noël.

    _ Pourquoi tu ne passes pas Noël avec ta moitié ? » Je demande tout à trac, te coupant alors que tu m'expliques par quel heureux hasard tu as pu te retrouver propriétaire de la totalité de l'étage.

    Tu as d'abord l'air de croire que je plaisante, puis tu fouilles mon visage de ton regard devenu sérieux.

    Ce que tu y trouves semble te désappointer terriblement.

    .

    Le train arrive en gare, je me lève pour rassembler mes affaires, la mort dans l'âme.

    D'abord laisser sortir les gens, puis laisser entrer les nouveaux voyageurs.

    Il ne reste plus que moi.

    Tu m'ébouriffes une dernière fois les cheveux et poses un bisou sur ma joue en guise d'adieu.

    Je grimpe dans le wagon avec mon alto, puis tu me passes ma valise.

    « Ah ! Au fait ! » et tu me glisses une liasse de feuilles dans les mains.

    Je jette un œil dessus : la partition incomplète que j'avais essayé de jouer, hier ? Seulement ?

    Tu souris de mon air abasourdi.

    _ Je suis sûr que toi, tu sauras en faire quelque chose.

    Ma gorge se bloque, les portes se ferment, tu te détournes lentement.

    _ Alexandre !

    Je m'égosille, tu me regardes, le chef de gare siffle à quelques mètres.

    _ Je t'aime...

    Ce n'est qu'un murmure comme un sanglot qui passe mes lèvres alors que le train s'ébranle.

    Je m'effondre, tes partitions serrées contre mon cœur glacé.

    .

    Tu poses ta tasse sur la table, près de la mienne puis tu te places juste devant moi en levant les yeux vers mon visage.

    _ Tu mesures combien maintenant ?

    Je ne vois pas le rapport avec la choucroute mais ta proximité limite mes capacités de réflexion, je te réponds donc que je mesure 1m85.

    Ton sourire me fait penser à la Madone.

    _ Tu as drôlement grandi... Et tu n'as plus rien d'un enfant » ajoutes-tu avec un sourire en coin.

    Encore heureux que je n'ai plus grand-chose du gamin fluet que j'étais ! Si tu savais le nombre d'heures que j'ai passées à la piscine pour avoir la carrure que j'ai !

    .

    Mon cœur rate un battement quand je remarque que tu t'es penché vers moi. Ma respiration devient aussi erratique que le va et vient de ton regard entre mes yeux et mes lèvres.

    Je retiens difficilement un gémissement de frustration quand tu t'arrêtes à une paume de mon visage, tes mains sur mes cuisses. Du regard, tu m'incites à porter mon attention sur le mur à côté. La frise ?

    _ Je l'ai composée cette nuit là Théo.

    Je ramène mon regard vers toi. Serait-ce celle que tu ne voulais pas que je voie ?

    Tu te penches encore vers moi, je n'en peux plus de te vouloir ! Je veux tes lèvres contre les miennes, mais je ne fais rien. Je crains de ne pas pouvoir me retenir si jamais je bougeais ne serait-ce qu'un cil.

    Je déglutis, et tu dévies ta course au dernier moment, effleurant à peine ma joue. je sens tes cheveux chatouiller ma mâchoire.

    _ Cet endroit Théo, c'est pour toi que je l'ai bâti.

    Ta voix est à la fois caressante et rude. Tu effleures de tes lèvres la peau juste en dessous de mon oreille.

    Le frisson qui me parcourt alors me dévaste autant qu'un orgasme. Je suis figé, déconnecté. Mon cerveau a foutu le camp.

    Je suis incapable de réagir, même quand tu te lèves et t'éloignes de moi. Je ne peux que ressentir un froid immense.

    Puis lentement je réalise le véritable sens de tes paroles.

    Tu reviens t'asseoir sur ton coussin, les jambes ramenées contre toi. Et je fais la seule chose qui me soit possible sans prendre le risque de te sauter dessus sauvagement : je suis du regard chacun de tes gestes. Tu affiches un très joli air mélancolique.

    _ Je ne dormais pas tu sais...

    Je rougis.

    _ Je ne t'ai pas arrêté parce que je ne voulais pas que ça s'arrête. Je ne t'ai pas répondu parce que je ne pensais pas pouvoir me retenir...

    Tu marques une pause.

    _ Tu étais si jeune et inexpérimenté, j'étais persuadé qu'il ne s'agissait que 'd'exploration' pour toi, de découverte. Je ne voulais pas... Tu secoues la tête. Et j'ai eu raison, ou j'ai cru avoir eu raison, puisque tu as été aussitôt dégoûté... « Immonde », c'est ce que tu as dit...

    _ D'avoir abusé de toi alors que tu avais si gentiment accepté d'héberger un gamin que tu ne connaissais même pas. » je croasse.

    Tu me souris, tu l'as compris ça, plus tard...

    Ta main vient dessiner des arabesques sur la mienne, du bout des doigts.

    Je laisse doucement sortir ces mots qui me brûlent la gorge depuis si longtemps.

    _ Je t'aime.

    _ Je sais.

    Tu t'approches à nouveau de moi, assez près pour que je sente ton souffle sur mes lèvres, tu les caresses de l'index.

    _ Je l'ai lu...

    .

    Mon cœur explose dans ma poitrine quand tu remplaces enfin ton doigt par ce que j'attendais. Doucement, chastement, tu déposes des baisers sur ma bouche, mon nez, ma tempe gauche, mon front,... tout en rapprochant ton corps du mien. Tu es assis sur mes genoux et étrangement, je me rends compte que le sentiment d'urgence qui m'habitait diminue proportionnellement à la surface de mon corps habitée par le tien ; il laisse place à un profond besoin de tendresse.

    Je passe mes mains sur ton dos _bonheur ! je ne suis plus capable d'en compter les côtes_ te rapproche de moi. Tu as tes mains sur mon visage et m'embrasses avec ferveur mais sans profondeur.

    Dieu que j'ai attendu ce moment ! Même si j'ai largement eu l'occasion de remarquer que tu t'étais très bien débrouillé pour t'en sortir sans moi.

    Tu me murmures des centaines de « je t'aime », et t'emploies activement à me le prouver.

    Je l'ai attendu longtemps ce bonheur, et je ne l'en savoure que plus.


    votre commentaire
  • Chapitre 1
    Fictions
    Les violons d'hiver
    nanashi-san

    Chapitre 1 "Les violons d'hiver" par nanashi-san
    Les $$$ marquent le changement d'époque

    Je range mon instrument en silence tandis que tu gagatises devant la fille de Roger et Anita : Liliane. Et je ne peux m'empêcher de te dévorer du regard. Tu n'as pas beaucoup changé, juste quelques kilos de plus (ça n'était pas du luxe vu ta maigreur passée) et quelques rides à peine marquées aux coins des yeux.

    Un rire discret me fait tourner la tête. Il vient d'Anita et son air narquois me fait instantanément comprendre que je me suis fait griller. En réponse, je rougis comme une écrevisse.

    _ Eh bien, mon garçon, tu as drôlement grandi depuis la dernière fois !

    Merci Roger, encore heureux !

    Ben oui Alexandre, maintenant je fais quelques centimètres de plus que toi. Tu me souris, je vous suis. Je sais pas où mais je m'en fous ; tu es là.

    ...

    Nous avions rendez-vous avec tes amis aux Jacobins avant d'aller chez eux mais nous sommes un peu en avance. Nous nous asseyons donc sur les marches du théâtre en attendant.

    _ Il est sacrément moche quand même ce truc !

    _ Le théâtre ? Je ris doucement. Il est horrible ! Enfin, surtout de l'extérieur. Dedans je l'aime bien.

    _ Tu y es souvent allé ?

    _ Tous les ans depuis que je suis au conservatoire. Côté artiste, bien sûr !

    Pour rire, je prends un air exagérément vantard et bombe le torse, le menton levé.

    _ Ça fait longtemps que tu joues ?

    J'ai commencé le solfège à huit ans, et le violon à dix. La nouvelle te fait ouvrir des yeux ronds.

    _ Et tu as atteint ce niveau en seulement quatre ans ?! T'es un petit génie ou quoi ?

    .

    J'ai plus ou moins l'habitude d'entendre ce genre de chose des amis de mes parents, voire de certains professeurs, mais venant de celui qui a écrit l'une des rares partitions qui ait su me donner autant de fil à tordre ça prend un sens différent pour moi.

    Je me sens gêné ; donc pour changer de sujet, je te raconte quelques unes des bêtises qu'on a pu faire dans les loges du théâtre lors des répétitions.

    .

    Tu ris de bon cœur en imaginant une bande de drôles jouant à la chasse au trésor dans les coulisses pendant que les plus âgés jouent du Bach devant un parterre de parents émus. Imperturbables, même lorsque le plus jeune des artistes en herbe passe sa tête par la trappe de la scène, en plein milieu d'une marche funèbre.

    .

    _ Au fait, tu es déjà allé au musée de Tessé ?

    _ Il y a longtemps, avec le collège.

    _ Donc tu n'as pas vu la Momie !

    _ Quel rapport ?

    L'été dernier, mon cousin était venu passer quelques jours de vacances chez moi, ses parents étant partis en amoureux aux Maldives pour fêter leurs vingt ans de mariage. On partageait notre temps entre écumer la vidéothèque de mon père et traîner à la Fnac. Mais on avait fini par se faire black-lister par tous les vigiles. On a donc du changer de crèmerie, et pour passer le temps on était allé au musée, voir la nouvelle exposition permanente sur l'Égypte.

    .

    On aurait jamais du y aller juste après avoir vu le film...

    On s'était fait un trip énorme avec la momie du musée, comme quoi elle allait se réveiller et partir à la recherche de sa fiancée en ravageant tout sur son passage. On avait même terrorisé une gamine.

    Résultat on s'est fait mettre dehors par le gardien. Mais on s'était payé une sacrée bonne tranche de rire ; et le délire a continué jusqu'à la fin des vacances. Six mois plus tard, je devais y retourner avec l'école : le gardien n'a pas voulu me laisser entrer. La prof ne savait plus où se mettre, ni quoi faire de moi.

    _ T'es vraiment une crapule !

    _ Bah ! Il faut bien que jeunesse se passe ! Comme dit ma mère à chaque fois que mon père me gronde pour une bêtise. Et puis je suis sûr que toi aussi tu en as fait à mon âge !

    .

    C'est bizarre comme parfois il suffit de pas grand-chose pour plomber une atmosphère. Quelques secondes plus tôt, on riait bien, et pouf, d'un coup il y a malaise.

    Je me sens tellement bien avec toi que j'en oublie que je ne suis qu'un gosse, et toi déjà adulte, un peu trop tôt peut-être.

    Heureusement, Justine arrive juste à point pour sauver le peu de bonne humeur qu'il me reste.

    .

    Nous lui prenons chacun un sac, « Mais où a-t-elle pu faire des courses un 25 décembre ? », et la suivons jusqu'à un petit immeuble un peu après le quinconce.

    L'appartement dans lequel elle vit avec Arnaud dépasse avec peine les 20m² mais au moins il est salubre contrairement à la chose dans laquelle vit Alexandre. Son homme n'étant pas encore revenu de chez ses parents, Justine nous demande de bien vouloir déblayer un peu l'espace, qu'on puisse tous se poser pour manger.

    Nous nous retrouvons donc à faire le lit tandis qu'elle investit le mini-couloir qui lui sert de cuisine. J'essaie difficilement de ne pas remarquer que les draps sont un peu sales, ça me rappelle trop cette nuit, mais mes rougeurs et mon regard fuyant ne passent pas inaperçus. Compatissant, tu me demandes de récupérer la vaisselle sale qui traîne un peu partout tandis que tu collectes les vêtements qui jonchent le sol dans une panière en osier.

    Je n'avais jamais vu un logement aussi bordélique, pire que ma chambre dans mes grands jours. Mais ça n'a pas l'air de vous déranger.

    .

    Tu passes le balai, je fais la vaisselle et Justine cuisine quand Arnaud rentre avec un sac et deux bouteille de clairette, cadeau de sa grand-tante pour « arroser les fêtes un peu plus joyeusement qu'avec [ses] barbons de parents ». Il la traite de vieille gâteuse mais à son regard il est évident qu'il adore sa parente.

    Je suis rapidement relevé de mes fonctions, remplacé par l'homme de la maison, et vais à la fenêtre en prenant garde de ne pas marcher dans les petits tas de poussières ponctuant le sol.

    Cet immeuble est situé en vis-à-vis avec sa copie conforme, je contemple la façade piquée de carrés de lumières ; là où les voisins n'ont pas encore fermé les volets.

    .

    Ici un ado traîne devant la télé avec sa petite sœur qui met la table en arrière plan, là un couple trinque tendrement autour d'une assiette de crudités. Un peu plus loin, des éclairs bleutés signalent une activité visuelle quelconque mais je ne vois pas les occupants de la pièce. Dans une chambre au premier, une maman découvre avec horreur que son tout petit a retourné sa caisse de jouets et a fait de la pièce un vrai champ de mines.

    .

    Tu me rejoins pour voir ce que je regarde, mais au lieu de te mettre à côté, tu te postes juste derrière moi, sans me toucher, tes mains posées près de mes coudes sur le rebord de la fenêtre.

    _ Ça va mieux ?

    _ Hum ?

    _ Tout à l'heure, tu avais l'air mal à l'aise.

    _ Ah... heu...oui un peu...

    Je t'entends sourire.

    _ Tu es peut-être encore un peu jeune pour ça, mais c'est naturel, quand on aime.

    _ Je sais, c'est même comme ça qu'on fait les bébés. Mais c'est gênant quand même...

    _ Tu es mignon.

    Ta réaction me vexe un peu : on dirait que tu me prends pour un bébé ! Je trouve plutôt normal d'être mal à l'air devant ce genre de chose, et ce n'est pas une question d'âge. C'est quand même super privé ce genre de chose.

    Et non, je ne suis pas prude ! C'est vous qui êtes bizarres !

    . Je me mords aussitôt la langue, je ne voulais pas te peiner. Pour toi, Justine et Arnaud sont plus qu'une famille, alors peut-être que quand on a un tel degré d'intimité sentimentale, ça devient naturel ?

    _ Pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire.

    _ Si, c'est exactement ce que tu voulais dire. Mais tu n'as pas à t'excuser, tu as raison : ça n'est pas très normal. Même si c'est naturel pour nous.

    .

    Je me rends compte avec un pincement au cœur que pour en arriver là, vous avez du passer par des difficultés et des galères que je suis incapable d'imaginer. Et vu comme tu vis, vous n'en êtes pas encore sortis.

    On m'a toujours dit que j'étais mûr et réfléchi pour mon âge, et ça m'a valu pas mal d'ennuis à l'école. J'ai souvent voulu être plus jeune, moins réfléchi. Mais là, maintenant, je souhaite plus que tout avoir quelques années de plus, être assez grand pour te prendre dans mes bras et t'offrir réconfort et une vie meilleure.

    Je veux grandir. Pour toi, je veux devenir quelqu'un sur qui tu pourrais compter. Mais je ne suis qu'un gamin perdu.

    _ Hey, pleure pas. Théo...

    _ Au fait, pourquoi tu es venu ? Tu viens passer les fêtes avec ta mère ?

    Je sursaute alors que nous débouchons sur la place des jacobins, oubliant totalement la question et sa réponse.

    A la place du théâtre, il ne reste qu'un trou.

    _ Il est où ?

    _ Qui ? » me demande Roger.

    _ Ben le théâtre !

    Je le regarde comme s'il m'avait demandé qui était Le Louvre.

    _ Ah...

    _ Il vient d'être fini de démonter. A la place ils veulent mettre un 'complexe culturel' avec théâtre et cinéma multiplexe.

    _ Et ce n'est pas un mal, il était vraiment affreux !

    Roger déglutit, ne comprenant pas le regard noir que je lui lance.

    Tu mets une main compatissante sur mon épaule. Je suis dépité, j'avais tellement envie d'y jouer à nouveau. Je ne te le dirais pas, mais si je suis revenu ici aujourd'hui c'est pour te voir. Par contre, si je reviens en ville, c'est parce que je serais nommé professeur au conservatoire à la rentrée prochaine et que je devais venir régler quelques détails administratifs.

    Je n'avais jamais mangé de gratin fait maison, ma mère est nulle en cuisine et n'a absolument pas envie d'essayer de faire mieux. C'est délicieux, vraiment et je ne me prive pas de complimenter la cuisinière.

    Elle accepte le compliment de bonne grâce en ajoutant qu'elle n'a pas vraiment de mérite : sa mère tenait un restaurant et lui a tout appris, avant de mettre la clé sous la porte à cause d'un incendie et travailler à la cantine parce qu'il fallait bien vivre.

    Après un repas très... convivial, Arnaud sort un paquet de cartes et me demande de couper.

    _ Euh... couper quoi ?

    Tout le monde rit sans que je comprenne pourquoi. Puis tu m'expliques que je dois couper le paquet de cartes et les règles de la belote dans la foulée. Moi qui croyais que c'était un jeu de vieux...

    .

    Au début, j'ai regretté de ne pas être ton partenaire, mais finalement je crois que je préfère jouer avec Arnaud. Autant tu es habituellement calme et gentil, autant quand tu joues aux cartes il n'y a pas moyen de faire un faux pas.

    Je ne reviens toujours pas de l'engueulade entre toi et Justine quand elle a 'fait l'impasse' avec son neuf pour se le faire 'couper' au tour suivant. Arnaud vous a regardé, blasé, en me disant que c'était habituel entre vous.

    Peut-être, mais elle a une voix super perçante quand elle crie...

    Et je ne t'imaginais pas si mauvais joueur.

    Tu finis par croiser mon regard un peu effrayé au beau milieu d'une tirade bien sentie et te calmes aussitôt pour ne plus t'énerver de la soirée. Mais, étrangement, Justine semble frustrée de ne plus pouvoir t'affronter.

    Alors je me demande si vous aimer jouer à la belotte ou avoir une excuse pour vous envoyer des vacheries à la tête. Je penche pour la seconde option, Arnaud approuve. Tu ris, un peu jaune, de nos « délires » et Justine feint de bouder.

    C'est ce qu'on appelle l'amour vache, non ?

    .

    De belle en revanche, il est plus de minuit quand nous prenons finalement congé. J'ai les yeux qui se ferment tout seul mais je crains de retourner chez toi, de me retrouver à nouveau dans ce lit avec toi et de ce que je pourrais y faire.

    Tu ne sembles pas plus pressé que moi de rentrer alors nous empruntons l'escalier qui mène à la cathédrale. J'en profite pour passer ma main sur le granit rose du menhir qui s'y appuie, vieux réflexe dont j'ai oublié l'origine.

    Nous déambulons tranquillement dans les ruelles de la cité médiévale, les mains bien enfouies au fond des poches pour les protéger du froid. Un petit pincement au cœur en passant devant le conservatoire, puis nous passons devant le pilier aux clefs, fournisseur de la plupart de mes partitions, toujours en silence. [1]

    Je me sens bien, juste comme ça, à côté de toi, j'ai l'impression d'être dans une espèce de bulle, protégé de la triste réalité.

    Je baille pour la dixième fois en deux minutes en passant devant l'hôtel de ville et tu me proposes de prendre le chemin de 'la maison'. Finalement, je crois que je suis tellement crevé que je ne risque pas de faire quoi que ce soit de répréhensible cette nuit. J'accepte donc avec un certain soulagement : je ne sens plus mes pieds.

    .

    Bien qu'il n'y fasse pas très chaud, nous pénétrons avec plaisir dans ta mansarde. À peine mon manteau et mes chaussures enlevés, je me jette sur ton lit et mets ta couette sur mes épaules comme un vieil indien emmitouflé dans sa couverture.

    Un peu plus courageux, ou habitué que moi, tu te dévoues pour nous préparer quelque chose de chaud à boire : c'est Noël, donc aujourd'hui on a droit au chocolat au lait avec une bonne cuillère de miel.

    J'accepte le mug brûlant avec reconnaissance et me fends généreusement d'un bout de couette pour que tu te mettes aussi au chaud. Malheureusement, tes tortillements de font un courant d'air froid dans les reins.

    Tu sors finalement ton téléphone portable de la poche arrière de ton pantalon.

    Comment tu peux avoir les moyens de te payer un portable alors que tu as à peine de quoi manger ?

    _ Oups, j'ai pensé tout haut ?

    Tu pinces les lèvres, gêné, et acquiesces.

    Je me prends la tête dans les mains, décidément je suis le roi des bourdes.

    _ On me l'a donné, un collègue avec qui je travaille qui voulait en changer. C'est un téléphone à carte alors il ne me coûte rien, je me contente d'y mettre cinq euros quand j'en ai vraiment besoin.

    .

    Depuis que je t'ai rencontré, c'est la première fois que je te sens honteux de ta condition.

    Et moi, j'ai honte de moi, de te faire sentir mal alors que tu m'as si gentiment accueilli sans même me connaître. Le pire c'est que je suis celui qui fait la bêtise et celui qui est consolé.

    Je m'en veux d'être un gamin. Je veux grandir, et vite.

    Il est trois heures.

    Dans douze heures je devrais te quitter, rentrer chez moi, pour ne certainement plus revenir. Douze heures, c'est assez pour devenir un homme ?

    Tu attends que l'on soit arrivés à destination, c'est-à-dire la crêperie de Roger et Anita, pour me reposer ta question.

    Ah oui, pourquoi je suis revenu ?

    Non, non, ma mère a bien vite déménagé ce n'est pas pour elle que je suis revenu, c'est pour te voir.

    Tu en restes comme deux ronds de flan et Anita dissimule à peine un sourire entendu. Elle t'envoie ensuite chercher un pichet de cidre et six bolées. La restauratrice rit devant mon air surpris et m'apprend que tu travailles à la crêperie depuis un peu plus de cinq ans. Elle t'avait proposé de le faire peu de temps après ce fameux Noël mais tu avais commencé par refuser. Tu ne t'es ravisé qu'après avoir perdu ton ancien job pour avoir refusé les avances de ta patronne.

    Tu reviens avec les boissons alors que le carillon de la porte se déclenche : arrivent Justine, Arnaud et un poupon terriblement rondouillard.

    Ah non, pardon : leur adorable petit garçon. Petit garçon dont la première préoccupation est de jouer avec mes affaires. J'attrape donc mon alto au vol, voulant éviter une catastrophe.

    _ Au fait poussin, pourquoi tu n'as pas déposé tes affaires dans ta chambre d'hôtel avant de venir. Ça aurait été plus simple.

    La main qui devait porter ma bolée à mes lèvres se perd en route, frappé que je suis par la remarque d'Anita : je n'ai pas de chambre...

    _ Alors tu n'auras qu'à dormir chez Alex ! C'est pas comme si c'était la première fois, hein ?

    Non, ce n'est pas la première fois, en effet...

    Je te jette un rapide coup d'œil, intimidé et croise ton regard. J'ai le cœur qui fait des bonds dans ma poitrine. J'ai tellement envie de tes bras.

    En attendant, je suis juste heureux que tu acceptes « volontiers » de m'héberger pour la nuit.



    [1] 'Le pilier aux clefs' est un magasin de partitions, anciennement échoppe de serrurier. D'où le nom. ^^


    votre commentaire